Coup de cœur 5 étoiles : La septième fonction du langage, Laurent Binet – Grasset

septiemeFonctionDuLangageSi la vie n’est pas un roman, le roman, lui, permet d’en vivre plusieurs. Et c’est ce qui arrive ici à Roland Barthes qui, sa vie durant, essaya d’élucider le mystère des forges romanesques. Au tout début de l’après-midi du 25 février 1980, le célèbre sémiologue est percuté par une camionnette de blanchisserie. Il décédera un mois plus tard. L’Histoire a retenu le tragique fait divers, le roman ne saurait s’en contenter. Roland Barthes n’est pas mort d’un accident de voiture : il a été assassiné. Voilà le point de départ de ce San Antonio chez les sémiologues signé Laurent Binet.

L’enquête est menée par un flic pour qui la sémiologie est aussi limpide que la physique quantique pour un caniche. Il s’adjoint bientôt les services de consultant d’un jeune professeur de la fac de Vincennes (creuset de révolutionnaires chevelus). Le tandem improbable s’en va alors inquiéter les milieux intellectuels et politiques de l’époque (nous sommes en 1980, à la veille de l’élection de Mitterrand) au cours d’un road trip Paris-USA-Italie et retour, où l’on croise Michel Foucault défoncé au LSD dans les backrooms, Julia Kristeva en cuisine & Sollers sur canapé, Roman Jacobson, la jeune Judith Butler, Avita Ronnel, les Jacques (Derrida en chaire & Lacan en manque de chair), Umberto Ecco et l’ineffable BHL.

Prof de Lettres à la fac, Binet connaît son sujet sur le bout des doigts et nous embarque dans une enquête palpitante (vrai, on est là sur une intrigue qui tire toutes les ficelles du polar) et une galerie de portraits hilarante pour démêler la raison obscure qui poussa l’assassin à estourbir cet inoffensif rat de bibliothèque. Les deux acolytes ont tôt fait de découvrir l’existense d’une espèce de Fight club* de la faconde…

Crises de fou rire garanties.

Carré blanc tout de même pour les âmes sensibles : on y voit Sollers perdre ses deux précieuses sous la machoire d’un sécateur. Et, à ce propos, la presse raconte que les avocats de Grasset n’ont pas pris de vacances cet été …

 

* Excellentissime roman de Chuck Palaniuk adapté au cinéma par David Fincher

 

Romans : notre sélection de l’été

james salter James Salter, Pour la gloire – Editions de l’Olivier

Premier roman de James Salter – disparu le 19 juin dernier lors d’une séance de gymnastique ! – Pour la gloire tient en germe les thèmes et les obsessions de l’oeuvre future : le sens de l’honneur, la camaraderie, mais aussi la peur de la mort. James Salter était encore pilote de chasse dans l’US Air Force quand il a écrit ce premier texte. Considéré aux États-Unis comme un classique, Pour la gloire est enfin publié en France. James Horowitz, de son vrai nom, entre à l’académie militaire de West Point en 1942 où il se forme au pilotage. Porté volontaire pour une affectation en Corée, il en fait le théâtre de ce premier texte.

Résumé : C’est la guerre de Corée et le capitaine Cleve Connell n’a qu’un objectif : descendre cinq avions ennemis et devenir ainsi un « as ». Mais l’ascension vers la gloire est périlleuse : le sort s’acharne contre Cleve et une rivalité sans merci s’immisce entre les aviateurs. Après la fougue des premiers combats, le doute et la frustration s’installent. Et pour ces héros modernes, sur la terre comme au ciel, la moindre faiblesse peut s’avérer fatale.

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revue XXI

 Revue XXI – été 2015
Tous les trimestres, XXI propose une étonnante récolte d’images et de rencontres par des romanciers, des journalistes, des photoreporters, et des dessinateurs de BD. La revue rassemble tous les talents du reportage : des romanciers aguerris qui aiment raconter le réel, des journalistes de talent qui savent écrire 20 à 30 feuillets, des photoreporters de terrain, des auteurs majeurs de BD qui ont envie de se confronter au reportage. Le résultat : des articles de fonds, des dossiers illustrés et pratiques pour aller plus loin.

Au sommaire de ce numéro : Une enquête sur les nouveaux paysans, ces urbains trentenaires qui changent de vie pour cultiver la terre. L’histoire de Jean et Béatrice, marié depuis 36 ans alors même que Jean est devenu Cynthia depuis 15 ans. Un reportage sur le business du viol et les organisations humanitaires en Afrique. Un fait divers mystifiant : un retraité détient 271 Picasso dans son garage pendant 40 ans. Le récit de ses bataillons noirs qui ont combattu aux côté du régime raciste en Afrique du Sud. Un sujet sur la bataille héroïque d’un avocat amazonien contre le pétrolier américain Texaco. Un entretien avec le neurologue Yves Agid sur l’inconscient. Et le témoignage des derniers jour d’Alexandre avant son départ pour la Suisse où il a choisi de mourir.

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jessie burton

 

  Jessie Burton, Miniaturiste – Gallimard

Jessie Buton née à Londres en 1982. Comédienne pour le théâtre et la télévision elle a été nommée « jeune auteur de l’année » par le National Book Award 2014.

Amsterdam XVIIe siècle. Une jeune fille épouse un homme âgé qui lui offre une maison de poupée comme cadeau de mariage. Touchée par la froideur extrême de sa belle famille, la jeune fille se consacre à sa réplique de foyer qu’elle fait vivre grâce aux talents d’un mystérieux miniaturiste. Piyr les lecteurs sensibles aux romans de Donna Tartt ou qui ont succombé à La jeune fille à la perle. Continuer la lecture

Coup de projecteur sur Victor del Árbol

Victor del Árbol est né à Barcelone en 1968. Après avoir étudié l’Histoire, il travaille dans les services de police de Catalogne. Dans la collection “Actes noirs” de actes Sud ont paru ses romans La Tristesse du samouraï (2012, prix du polar européen 2012 du Point et finaliste du prix polar SNCF 2013),  La Maison des chagrins (2013) et Toutes les vagues de l’océan (2015). Trois coups de maître !
Toutes les vagues de l’océan
Victor del arbol

Gonzalo Gil reçoit un message qui bouleverse son existence : sa soeur, de qui il est sans    nouvelles depuis de nombreuses années, a mis fin à ses jours dans des circonstances tragiques. Et la police la soupçonne d’avoir auparavant assassiné un mafieux russe pour venger la mort de son jeune fils. Ce qui ne semble alors qu’un sombre règlement de comptes ouvre une voie tortueuse sur les secrets de l’histoire familiale et de la figure mythique du père, nimbée de non-dits et de silences. Cet homme idéaliste, parti servir la révolution dans la Russie stalinienne, a connu dans l’enfer de Nazino l’incarnation du mal absolu, avec l’implacable Igor, et de l’amour fou avec l’incandescente Irina. La violence des sentiments qui se font jour dans cette maudite “île aux cannibales” marque à jamais le destin des trois protagonistes et celui de leurs descendants.
Révolution communiste, guerre civile espagnole, Seconde Guerre mondiale, c’est toujours du côté de la résistance, de la probité, de l’abnégation que ce parangon de vertu, mort à la fleur de l’âge, a traversé le siècle dernier. Sur fond de pression immobilière et de mafia russe, l’enquête qui s’ouvre aujourd’hui à Barcelone rebat les cartes du passé. La chance tant attendue, pour Gonzalo, d’ébranler la statue du commandeur, de connaître l’homme pour pouvoir enfin aimer le père.
Toutes les vagues de l’océan déferlent dans cette admirable fresque d’un xxe siècle dantesque porteur de toutes les utopies et de toutes les abjections humaines.

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